Bivouac au Grand Arc, massif de la Lauzière, 5-6 juillet 2025.
Le choix de la destination
La première canicule de l’année, précoce, touche à sa fin. Relative accalmie avant une probable nouvelle offensive d’un climat contrarié. Il fait encore chaud en vallée, prétexte idéal pour vagabonder en altitude. Les conditions anticycloniques n’offriront guère de belles lumières, tandis que la presque pleine lune empêchera toute observation de Voie lactée. C’est donc l’occasion d’aller côtoyer les cimes proches des villes, afin de composer avec la pollution lumineuse sous la clarté lunaire.
Depuis deux ans, un sommet me nargue, visible depuis chez moi : le Grand Arc. Voilà exactement 17 ans que je ne l’ai pas arpenté, tout jeune étudiant que j’étais, jadis.

Ascension du Grand Arc
Ainsi me voilà embarqué dans cette aventure du week-end. J’opte pour l’itinéraire le plus direct, depuis le parking du Chenalet. Celui-ci, à 1675 m, constitue le terminus de la piste forestière surplombant Montsapey.
Le thermomètre indique dix degrés de moins qu’en bas. Néanmoins, à la sortie de la forêt vers 17 heures, le soleil déploie des rayons brûlants, de quoi faire abondamment transpirer. La quasi-totalité du parcours s’effectue à découvert, dans les alpages. Environ 800 mètres de dénivelé sont nécessaires pour atteindre l’objectif du jour.
A bon rythme, je progresse. Moins d’une heure après le départ, me voici au lac Noir (2014 m). Sa facilité d’accès et la chaleur ont évidemment attiré les foules : baignade, bruit et déjà 6 tentes installées. Je râle en silence et traverse le lieu sans m’arrêter. Là où je vais, aucun groupe n’osera y passer la nuit.
La seconde partie de la rando est aussi la plus raide. Elle emprunte la crête jusqu’au terminus. Le panorama se dévoile peu à peu : le lac noir en contrebas, la vallée de la Maurienne et le massif de la Vanoise.
Sur les tout derniers mètres, le seigneur des Alpes se montre. Jusqu’alors caché par le Grand Arc, le Mont Blanc récompense l’effort. Il est 19 heures, mon objectif est atteint.
Comme prévu, le paysage est quelque peu voilé, tandis qu’il règne ici un vent tempétueux, de secteur nord-ouest. Il va s’avérer difficile de dormir sur le minuscule plateau sommital, où reposent une croix et deux tables d’orientation, balayés par les rafales.

Bivouac au sommet
La tente est restée à la maison. Connaissant la topographie du lieu, impossible de l’installer par ici, c’est donc une nuit à la belle étoile qui est prévue. Après avoir prospecté les alentours, un simili replat dans une étroite combe fera l’affaire : la protection contre le vent prime sur le confort.
L’horizon étant bouché, le jour se meurt dans une certaine indifférence, après quelques timides percées de lumière sur les Bauges.
Les ombres gagnent peu à peu du terrain, mais une clarté subsiste une fois la nuit tombée : la Lune, haute dans le ciel, brille à trois quarts. Elle équilibre la luminosité des villes dans le paysage alpin. J’immortalise ces scènes jusqu’à minuit, alors que le vent s’estompe au fil des heures.


Couleurs du matin
Après 5 heures d’un sommeil haché mais reposant, dans la fraîcheur sommitale, me voilà de nouveau l’appareil photo en main. Des nuages élevés ponctuent le ciel, notamment aux abords du Mont Blanc. Ils rougeoient sans constituer un spectacle flamboyant. Un simple éclat éphémère, avant que ne surgisse le soleil, entre le toit de l’Europe et le Grand Combin. Durant près d’une demi-heure, l’astre incandescent propose quelques beaux jeux de lumière sur la Savoie, au gré des passages nuageux. La vallée d’Albertville se pare de rais mêlant à la fois douceur et mystère, sous des cimes baujues éclairées de teintes blafardes.
Derrière moi, un bruit m’interpelle : un chamois à plus de 100 mètres, qui déjà disparaît de ma vue. À ma droite, tout proche, un rougequeue noir curieux me rend visite. Je tourne la tête, il s’envole. Il est également temps pour moi de quitter les lieux, content d’avoir foulé de nouveau le Grand Arc. En moins de deux heures, moyennant un crochet par le Char de la Turche (2010 m), le parking est retrouvé, au terme d’une belle sortie, toutefois sans conditions exceptionnelles.


