Le choix de la destination
En cette fin septembre, la France grelotte. Une goutte froide s’est installée sur le pays, faisant drastiquement chuter les températures. En altitude, les montagnes ont troqué leurs atours de verdure et de roches grisâtres, au profit d’un fin manteau blanc. Après une semaine de météo maussade, le beau temps est de retour, l’occasion d’aller observer la mutation des paysages là-haut : neige sur les cimes et alpages dorés, le duo gagnant de la saison automnale dans les Alpes.
Pour immortaliser ces éléments, je retourne vers un lieu que j’affectionne tout particulièrement : le col et le lac de la Ponsonnière, au cœur du massif des Cerces (voir récit d’octobre 2020 ICI). Direction les confins de Valloire, sur la route menant au col du Galibier, déjà fermé. Le départ s’effectue depuis Plan Lachat, où de nombreux véhicules sont déjà stationnés. Pas d’inquiétude, peu nombreux seront ceux qui oseront passer la nuit dehors.

Direction le col de la Ponsonnière
Les nuages du matin se sont peu à peu dissipés, dévoilant un ciel d’un bleu pur, mettant en valeur quelques sommets encore plâtrés, à la faveur d’une exposition plus favorable. Côté alpages, tout a déjà fondu, l’incursion hivernale ne fut qu’éphémère. Malgré les 8°C au thermomètre, l’ascension s’avère relativement agréable, grâce aux précieux rayons du soleil. Un parfum d’ivresse m’accompagne tout au long du parcours, tant la beauté des lieux subjugue. En à peine une heure, me voilà au lac des Cerces. À droite, j’aperçois mon objectif, vaste ouverture orographique en arc de cercle, trait d’union de deux vallées, de deux départements, et même de deux régions.
Deux heures après mes premières foulées, le col de la Ponsonnière est atteint. Le décor se révèle toujours aussi magnétique, avec les reliefs de caractère qui ponctuent le paysage, notamment les arêtes de la Bruyère, dominant le Grand Lac. Suite à une pause contemplative, je poursuis le sentier à flanc de versant, pour dominer le lac de la Ponsonnière. Des nuages coiffent le chainon compris entre le Grand Galibier et la Tête de Colombe, générant de vastes zones d’ombre sur les lieux. Je patiente en vain, la nébulosité est tenace, puis cherche un endroit pour monter ma tente. Ce sera au sud du lac.

Défier la brume
À peine ai-je fini d’installer mon abri et de procéder à quelques repérages qu’un phénomène m’interpelle : de la brume s’engouffre par le col de la Ponsonnière et se déverse de l’autre côté. Il faut croire que c’est une particularité locale, c’est la troisième fois que j’observe ce déversoir ici-même. Cependant, étant en contrebas, le point de vue n’est pas idéal. Me vient une idée de composition : aller l’immortaliser au-dessus, ce qui implique de monter jusqu’à la crête, pour le moment dégagée. Elle se situe à un peu plus d’un kilomètre et deux cent mètres plus haut. Un pari risqué qui demande un effort supplémentaire.
Je traverse le banc de brume, saluant au passage un bouquetin solitaire et, une demi-heure plus tard, arrive au spot convoité. Hélas, le filet de brouillard s’est transformé en torrent, s’étalant franchement sur les bords…je ne vois pas à 100 mètres. C’est un échec. Désappointé, je retourne vers ma tente et constate l’épanchement de la brume jusqu’à celle-ci. Inutile d’insister, allons se réchauffer dans le duvet.

Nuit étoilée au lac de la Ponsonnière
La nuit s’est installée, le croissant de lune a disparu derrière l’horizon, laissant le premier rôle à la voûte céleste, où d’innombrables étoiles scintillent. Le brouillard s’estompe progressivement, tout comme la légère brise. Des conditions parfaites pour aller capter l’ambiance nocturne au bord du plan d’eau, où aucune oscillation des eaux ne subsiste par ce climat d’un calme absolu. Le temps paraît suspendu, dans cette solitude où seul le froid me rappelle à la réalité. Pour preuve, le thermomètre affiche huit degrés sous le zéro. Heureusement que mes épaisseurs sont là pour me protéger.
Féérie de l’aube
Après une fin de nuit fort fraîche, me voilà de nouveau dehors pour accueillir les premières lueurs de l’aube ; il est 7 heures. D’expérience, c’est souvent au lever de soleil que la brise se lève. Pour avoir le reflet des montagnes dans le lac, je ne dois pas trainer et me rends aussitôt sur sa rive orientale. L’heure bleue bat son plein. Les cimes se parent d’exceptionnels contrastes au pouvoir envoûtant, d’une beauté saisissante. En arrière-plan, les Écrins dominés ici par la Montagne des Agneaux semblent briller dans la pénombre, avec ses hautes parois maculées de blanc.


Le jour grandit, les ondulations de l’eau apparaissent comme prévu avec le vent naissant, aussi léger soit-il. Je retourne vers mon lieu de bivouac afin de capter les premières incandescences sur les Écrins, qui s’illuminent progressivement.
Vers 9h15, les rayons atteignent ma toile. D’un congélateur, mon abri se transforme en une serre, tout devient nettement plus agréable. Je profite un moment des bienfaits de la sphère ardente, à écouter le silence, à peine trahi par le passage des randonneurs à proximité. Un peu plus tard, une fois la tente pliée et les affaires rangées, débute le chemin du retour. Vers midi, la voiture est retrouvée, épilogue d’une délicieuse et froide virée en terres des Cerces.
