Bivouac au Mont Margériaz (1845 m) dans le massif des Bauges, les 14 et 15 octobre 2025.
Le choix de la destination
Un ciel bas et lourd pèse comme un couvercle sur une bonne partie de la France ces derniers jours. A la faveur de conditions anticycloniques tenaces, le brouillard rampe sur les basses couches de l’atmosphère. Les Alpes n’échappent pas au phénomène. Se dissipant péniblement dans l’après-midi, il se reforme chaque nuit. Dans les vallées internes et en altitude, le soleil brille de façon presque provocatrice.
Morosité en dessous, féérie au-dessus, telles sont les ambiances provoquées par les mers de nuages. Quelques jours à peine après avoir profité de ces conditions au Mont Colombier, je trépigne en ce début de semaine à l’idée d’y retourner, tant ces flots éphémères m’attirent. Je m’octroie alors un congé pour me rendre là-haut, dans les Bauges. Deux sommets sont dans la shortlist : la Galoppaz et le Mont Margériaz. Le second remporte la partie, animé par une certaine intuition, que c’est là où il faudra être.
En début d’après-midi, me voici au parking de la station, à 1400 m. Comme les jours précédents, la brume s’est dissipée, dévoilant les versants flamboyants d’automne. Il persiste néanmoins dans le ciel un voile semi-opaque, témoignant de la nébulosité résiduelle.

Ascension du Mont Margériaz
L’ascension s’effectue assez rapidement, au sein du peu esthétique domaine skiable, où se côtoient pêle-mêle remontées mécaniques, pistes, tranchées dans la forêt et roches mises à nu. En un peu plus d’une heure, les crêtes sont atteintes.
Le paysage se révèle fort intéressant. Outre ce fin voile fantomatique qui hante la combe de Savoie et le Grésivaudan, la mer de nuages est toujours présente sur le Nord-Isère et l’Ain, débordant au niveau des cols de l’Epine et du Chat. Prometteur.
Je patiente jusqu’à ce que notre étoile se rapproche de l’horizon. J’observe, de ci de là, des lambeaux de nuages se former à mi-versant. Mieux, la chaîne de l’Epine qui jusqu’alors résistait, baisse les armes face à la brume. Celle-ci l’enjambe et conquiert le lac du Bourget et le bassin chambérien. Moi qui pensais la voir revenir seulement après la nuit tombée, c’est une véritable aubaine, à quelques minutes du coucher de soleil. Le remplissage des lieux s’effectue progressivement, seules quelques cimes émergent, notamment le Nivolet et son emblématique croix. Les ultimes rayons dorés subliment ce paysage magique.
J’immortalise ces scènes féeriques jusqu’aux dernières lueurs à l’horizon. La pollution lumineuse des villes se conjugue avec le crépuscule pour offrir des clichés particulièrement puissants.


Nuit au-dessus des nuages
Une fois la nuit installée, je gagne ma tente, bienvenue dans cette atmosphère humide, la toile mouillée en témoigne. Le froid semble un peu plus vif, l’hygrométrie plus élevée n’y est sans doute pas anodine.
Peu après 1h du matin, je ressors pour profiter de l’éclairage lunaire, un croissant tire les paysages de l’obscurité vers la pénombre. Au sud-est, un phénomène attire mon attention : une cascade de brume s’est formée au niveau du Roc de la Croix de Fer. Captivant. J’observe par ailleurs que la Galoppaz est noyée sous les nuages : quel flair d’avoir préféré le Margériaz !
Lever du jour au Margériaz
A 6h30, le réveil retentit de nouveau. Place à l’heure bleue, sous ces teintes douces. Le Niagara à proximité s’affaire toujours autant, constituant alors mon principal sujet photographique, alors que le jour se lève progressivement. En contrebas, à flanc de falaise, un chamois solitaire me siffle, puis s’enfuit. Plus tard, le soleil jaillit des montagnes, apportant une chaleur toute relative. Finalement les flots se sont stabilisés vers 1600/1700 m d’altitude. Au sud, un immense océan me sépare de la Chartreuse et de Belledonne, lointaines côtes d’un autre monde.

C’est sous un vent frisquet que j’entame la descente peu après 9 heures, au terme d’une sortie particulièrement riche, où les lieux furent le théâtre d’une beauté sauvage que seul l’instant savait révéler.
