Décidément, la chaleur n’en finit plus sur l’Hexagone ! Seul lot de consolation, les orages de la veille ont apporté une inespérée fraicheur dans les vallées. Parenthèse de courte durée, le Soleil reprenant sa domination sans partage. Pour s’extirper de l’étuve des plaines, monter en altitude apparait comme l’unique solution. Direction le proche massif du Beaufortain, dans un secteur qui sera à coup sûr épargné de la foule, moi qui préfère la quiétude aux chassés-croisés pédestres : les abords du Cormet d’Arêches avec pour ligne de mire la Pointe de Riondet (2357 m). La voiture est garée près du Lac des Fées (1896 m), transformé en quasi-base de loisirs vu le nombre de personnes qui trempent les pieds, se font bronzer, quand ce n’est pas pour se baigner…
Il est 16h15 quand j’entame les premières foulées. Il faut tout d’abord descendre un abrupt sentier pour récupérer la piste réservée aux exploitants, menant au Refuge de l’Econdu, puis aux chalets d’Aroles. Le chemin aboutit au bâtiment d’alpage où se trouvent les éleveurs de vache. Un bref échange avec l’une des personnes : il est possible de monter dans la prairie pour atteindre la crête près du Col de Charvetan. Elle m’alerte toutefois par rapport à l’objectif du jour, le versant opposé est occupé par des brebis et donc des patous. La prudence va être de mise. L’étape atteinte, le panorama gagne en majesté, les plus hauts sommets de la région surgissent, pris dans les cumulus volumineux mais peu menaçants : Mont Blanc, Mont Pourri, Grande Casse…
La Pointe du Riondet se situe dans le prolongement de la crête. Après d’ultimes efforts, la voilà atteinte. Le 360 degrés là-haut en valait la peine : Bauges, Lauzière, Aravis, Mont Blanc, Vanoise sont autant de massifs créant la ligne d’horizon accidentée du décor. Plus proches, apparaissent quelques lieux emblématiques du Beaufortain : Grand Mont d’Arêches, Lacs de la Tempête, Lac de Saint-Guérin, Pierra Menta, Aiguille du Grand Fond, Roignais etc. En contrebas, le berger et ses chiens mobilisent le troupeau, manœuvrant comme si c’était une seule entité. Le spectacle est assez hypnotique.
Un léger vent agrémente la contemplation des lieux. Bien que large, le sommet offre peu de replat, ce qui n’est pas sans me décourager, trouvant un peu d’herbe en faible pente pour être aux premières loges, lorsque le soleil décline à l’horizon. Les versants se parent de teintes chaudes, distillées çà et là, notamment dans le vallon des Lacs de la Tempête. Les dernières mèches à s’éteindre sont les plus hautes matières, en particulier les cumulus qui vivent là leurs derniers instants à l’approche de la nuit. A peine le soleil couché, l’humidité investit le secteur, la tente est déjà constellée de microgouttelettes.
Vers 1h30, me revoilà dehors pour faire quelques images nocturnes, le quartier de Lune ayant disparu entre temps. L’atmosphère n’est pas limpide, du fait de l’hygrométrie élevée. Plein est, la tranquillité nocturne est trahie par des éclats lumineux intenses et quasi-continus : un orage sévit côté italien, à une centaine de kilomètres de là. Plus bas, un patou aboie, ma frontale l’a-t-il alerté ? De l’autre côté, quelques cloches témoignent de la présence des vaches, débonnaires dans leurs étendues herbeuses. Il s’agit des seuls éléments à venir rompre ce silence monastique si précieux.
Il est 6 heures quand le réveil retentit de nouveau. Place à la session matinale. A l’est, l’horizon est obstrué de nuages, tandis que les Alpes sont baignées dans une humidité peu habituelle pour un mois d’août jusqu’alors caniculaire. De fines écharpes de brume glissent sur les cimes, tandis que quelques lueurs rougeâtres se manifestent au loin, dépeignant une sorte d’aquarelle grandeur nature. En dépit d’une absence de lumière, l’ambiance se révèle magnifique et agréable.
Après une longue sieste partagée entre l’effet de serre de la tente et la brise traversant les ouvertures, j’entame la descente vers 10h30 en empruntant une variante par les Chalets de Riondet au nord, pour récupérer la longue piste menant au parking, épilogue d’une belle sortie en terres savoyardes.