Bivouac à la Roche Parstire (2109 m) dans le massif du Beaufortain.
Randonnée de printemps dans le Beaufortain : retour en altitude
Chaque année, mai sonne le grand retour des randos-bivouacs, et ce n’est pas plus tard que le premier jour du mois que me voilà embarqué en altitude. Il règne en ce moment une vague de chaleur inhabituelle, certes inquiétante, mais bienvenue pour échapper à la classique fraîcheur du début de saison. Pour autant, il serait ambitieux d’aller trop haut : les neiges tardives ont remis une épaisseur sur les cimes. C’est la période du grand contraste entre l’adret et l’ubac : les faces nord sont encore bien blanches, tandis que les versants sud se dégarnissent à vue d’œil.
Pour célébrer cette reprise, l’objectif est d’effectuer une sortie modeste de remise en jambes, avec un parcours de 400 mètres de dénivelé, au cœur du tout proche massif du Beaufortain : la Roche Parstire (2109 m). Le Cormet de Roselend reste fermé pour l’instant, mais l’avant-poste du col du Pré, situé plus bas, a déjà rouvert. La conjonction jour férié et beau temps a attiré les foules : le parking du col, où se trouve un restaurant, est bondé. Je gare la voiture 500 mètres plus loin, au lieudit Combordin, départ d’un itinéraire alternatif. Cette partie démarre par la piste, avant de récupérer le chemin de la crête. Le versant est encore majoritairement sous la neige, rendant l’ascension plus lente et glissante, bien qu’aucune difficulté n’apparaisse.

Neige, crocus et paysages contrastés : la montagne en transition
Au sein des poches où la verdure voit enfin la lumière du jour, les crocus connaissent leur période de gloire. Ils embellissent les alpages, avec cette constellation d’entités alternant entre le violet et le blanc. Ces fleurs, parmi les premières à éclore après la fonte des neiges, annoncent officiellement le printemps en montagne.
Le parcours étant modéré, j’atteins le sommet peu après 14h30. La crête est relativement dégagée sur ce secteur, où il subsiste çà et là quelques névés, froides meringues vouées à disparaître sous ce soleil de plomb. Un seul replat herbeux est présent : ce sera mon lieu de bivouac. En attendant, le jour va tirer sa révérence dans environ 6 heures, je patiente en profitant du temps radieux, entre farniente, contemplation et la poursuite de ma lecture du moment, fort à propos pour cette parenthèse en altitude : Into the Wild, de Jon Krakauer. Puisse mon avenir être plus réjouissant que celui de Christopher McCandless !


Bivouac face au Mont Blanc
En début de soirée, tandis que j’ingurgite un pâté industriel qui a pour seule fonction de rassasier, à défaut de procurer un plaisir gustatif, un chamois me siffle. Mon regard se dirige en contrebas sur le névé : l’animal expose une posture de méfiance à l’égard de l’humain que je représente. Il me fixe quelques secondes, et déguerpit aussitôt. Fugace rencontre.
Au fur et à mesure que l’astre approche de l’horizon, les montagnes prennent des teintes un peu plus orangées. Toutefois, au loin, se dessine un voile, anéantissant tout espoir de couleurs spectaculaires. Un à un, les sommets s’éteignent dans une triste indifférence. Tamisé par la dense atmosphère, le soleil offre toutefois un lot de consolation en devenant une masse rougeâtre qui embrase son linceul.
Après cette cérémonie de clôture, la nuit s’installe. Le petit croissant de Lune, discret jusqu’alors, s’illustre dans les ombres célestes. Je le retrouve quelques heures plus tard, au milieu de la nuit, tutoyant l’horizon, à l’endroit même où le soleil s’en est allé. Le moment est venu d’immortaliser la Voie lactée qui s’élève au-dessus de mon campement. En cette saison, elle est relativement basse, la voûte s’étend de la Pointe Percée à la Pierra Menta, surplombant le Mont Blanc. Dans cette obscurité où le thermomètre indique 5°C, il règne une sensation de sérénité : un silence monacal à peine troublé par les lointains torrents, sans le moindre vent ni humidité.


Un réveil voilé
A 6 heures du matin, le jour refait surface, mais les conditions ne sont pas à mon goût. Un léger voile a envahi le ciel, tamisant les rayons du soleil, lesquels éclairent les paysages d’une lumière blafarde. Le Mont Blanc en est le principal témoin : d’en bas, le toit de l’Europe montre un visage laiteux et trouble. La sentinelle des Alpes est le spectateur privilégié d’une dégradation qui s’annonce, où la pluie va venir jouer les trouble-fêtes. Je profite néanmoins de la douceur matinale, bercée par le chant des alouettes et l’amusement des marmottes cent mètres plus bas, avant de plier bagages et de repartir.
Une sortie peu prolifique sur le plan photographique, mais un plaisir non dissimulé d’avoir retrouvé la solitude des cimes !