Bivouac sous la pointe de Mandallaz dans les Aravis (16 et 17 mai 2025).
Le choix de la sortie
Après une première semaine de mai désastreuse sur le plan météorologique, évoquant un lugubre novembre, entre pluie, brouillard et froid, le beau temps a fait son grand retour. Les Préalpes ont revêtu leur draperie d’un vert étincelant, de la base jusqu’aux alpages, tandis que sommets et combes secrètes se délestent des excédents neigeux. Les oiseaux chantent à tue-tête, les fleurs décorent prairies et jardins : le printemps bat son plein.
Les orages vespéraux, témoins de l’instabilité des masses d’air des derniers jours, se tarissent progressivement. Les conditions sont réunies pour tenter une escapade montagnarde. Pour autant, au-dessus de 2000 mètres, la neige est encore bien présente, il faut alors sélectionner des secteurs favorablement exposés. Le choix se porte tout naturellement du côté des Aravis avec la tête de l’Aulp (2129 m), jamais explorée jusqu’alors. Direction la fameuse route de la soif, piste longeant le flanc oriental du massif entre le col de l’Arpettaz et celui des Aravis, pour s’arrêter au niveau du parking de Merdassier du milieu (1598 m). Le ciel, d’un bleu pur seulement trahi par quelques nuages débonnaires, se déploie au-dessus des cimes. Mon objectif est visible d’ici, me dominant abruptement.


Une montée raide à flanc de versant
Difficile de croire qu’un sentier se faufile dans cette pente aussi raide, pourtant l’itinéraire est bien indiqué. Les cloches sonnent 17h quand j’entame les premières foulées, dré dans l’pentu. La brise souffle déjà, un vent modéré est annoncé par les prévisionnistes, de mauvais augure, moi qui souhaite planter la tente sur le sommet. En moins de cinquante minutes, les 400 mètres de dénivelé qui me séparent du col du Tardif sont avalés.
A gauche, la tête de l’Aulp se dévoile. Des névés encombrent la partie sommitale, là où circule le chemin. Sans crampons, et avec une pente vertigineuse où toute glissade peut s’avérer dramatique, je suis contraint de revoir mes plans. De plus, le vent distille des rafales assassines : il faut absolument trouver un endroit abrité. A quelques dizaines de mètres au nord, un simili replat se distingue dans le versant, près d’une zone enneigée en cours de fonte : ce sera mon lieu de villégiature pour cette nuit. La soufflerie y est effectivement plus modérée.
Direction la Pointe de Mandallaz
Au-dessus de ma tête, côté nord, la Pointe de Mandallaz me nargue. Après avoir installé la tente, cap sur ce sommet moyennant encore un peu plus de 200 mètres de dénivelé afin d’assister au coucher de soleil. D’en haut, le panorama récompense l’effort, une myriade de massifs permet de réviser sa géographie : Bornes, Chablais, Mont Blanc, Beaufortain, Vanoise, Bauges et même les confins du Jura se découpent dans l’azur. Toutefois, l’atmosphère ne jouit pas d’une exceptionnelle limpidité, ce qui se traduit au moment de l’heure dorée : les versants se parent d’une teinte orangée, mais de faible intensité, délavée par les conditions anticycloniques. Le jour se meurt sans explosion de couleurs.


Nuit sous les étoiles
Je ne fais pas de vieux os et entame la descente afin de retrouver la tente. Entre temps, le vent s’est totalement arrêté, ce qui constitue une bonne nouvelle pour la nuit à venir : je ne serai pas confronté à ce bruit permanent du frottement de la toile au gré des bourrasques. Après une demi-sieste, me revoilà dehors vers 23h30, avec comme objectif de capter les étoiles dans la pénombre, avant que ne surgisse la Lune. Du fait de la pollution lumineuse des villes et villages alentours, la Voie lactée est difficilement perceptible, mais se révèle sur le capteur photographique. La voûte céleste s’élance au-dessus du Mont Blanc puis plonge sur le Beaufortain.
Il règne en ces lieux un silence minéral, que seul le gel vient troubler. En effet, le thermomètre indique quatre degrés sous zéro, je n’étais pas préparé à rencontrer des températures négatives. Difficile alors de passer une nuit confortable quand les morsures du froid viennent s’attaquer à des pieds non préparés.

Après un sommeil en pointillé, les premières lueurs de l’aube me font sortir la tête du duvet. Dehors, c’est tempête de ciel bleu. Je réalise tout de même quelques images aériennes, puis je reprends un repos mérité, sous les caresses du soleil et le chant des alouettes. A 10 heures, le parking est retrouvé, épilogue d’une agréable virée dans ce cher massif des Aravis.

