Bivouac dans le secteur du vallon du Clou (2362 m), massif des Alpes Grées, le 30 et 31 mai 2025
Le choix de la destination
On poursuit l’optimisation du week-end de l’Ascension afin de profiter des Alpes. Quittant les terres du Beaufortain, où la foule cycliste et motorisée s’est donnée rendez-vous, je bascule côté Tarentaise sur Bourg-Saint-Maurice. Je remonte la vallée direction Sainte-Foy-Tarentaise, jusqu’à atteindre le parking de l’Echaillon (1805 m). Celui-ci s’accède depuis la station, via une route, puis une piste qui serpente dans la forêt. Il s’agit d’un des deux principaux points de départ pour atteindre le célèbre hameau du Monal. Sous le grésillement de la ligne très haute tension qui surplombe la zone de stationnement, j’entame la sortie aux alentours de 14h30.
Hier, la fraîche bise m’avait accompagné tout le long du parcours. Les conditions du jour sont tout autre : les nuages ont été chassés, dévoilant un ciel d’un bleu vif et uniforme, où le soleil règne sans partage. Les températures ont quant à elles bondi en flèche. Malgré l’altitude honorable, la chaleur se fait sentir dès les premières foulées.
La visite du Monal et ses environs est devenue au fil des années une sorte de rituel, une tradition, que de traverser ce site classé, tant le cadre y est inspirant. Ayant plutôt l’habitude de m’y rendre en octobre, lorsque les mélèzes dorés subliment les lieux, c’est la première fois que j’y vais si tôt dans la saison. Les résineux tapissant le versant ont revêtu leurs aiguilles d’un vert tendre, contrastant avec les sommets encore densément enneigés.
L’objectif du jour est de sortir des sentiers battus, en allant explorer plus en profondeur un endroit repéré l’automne dernier, à quelques encablures du lac du Clou. Le potentiel y avait été jugé prometteur par les différents points de vue qu’il propose.

Cap vers le vallon du Clou
Sous un soleil de plomb, je poursuis l’ascension à bon rythme. Les paysages gagnent en majesté au fur et à mesure de la montée, jusqu’à atteindre un point significatif près du barrage. Au caractère impressionnant du Mont Pourri d’un côté répond la vastitude du vallon du Clou et de toutes les cimes qui le ceinturent.
Plusieurs gouttes de sueur plus tard, le lac est atteint. Niché dans un creux du relief, il est encore pris dans les glaces, bien que la débâcle soit à l’œuvre.
Je bifurque sur la gauche, pour me diriger en hors-sentier en direction des Monts, relief bordant le sud-ouest du plan d’eau. A l’extrémité se trouve un replat bénéficiant de points de vue intéressants à la fois sur le vallon du Clou et le Monal. Quelques mares gorgées par la fonte des neiges complètent le tableau, avec déjà des compositions qui fusent dans ma tête. Pendant plusieurs heures, je lézarde sous le soleil diffusant ses rayons brûlants, puis j’installe la tente sur des herbes encore jaunies par un hiver trop long.
Au loin, des bruits attirent l’attention : des jeunes bouquetins, curieux, surveillent le pèlerin que je suis, avant de continuer leur occupation. De l’autre côté, des vrombissements sourds surgissent de la montagne. Celle-ci vomit ses trop-pleins de neige surchauffée par ce vendredi quasi caniculaire, dévalant les couloirs avec véhémence.

L’astre ardent continue son inexorable course vers l’horizon, puis délivre dans ses dernières minutes ses rais chargés de teintes orangées. Les sommets alentours se transforment temporairement en braises incandescentes, sous un ciel hélas totalement dépourvu de nuages. Les petits plans d’eau repérés prennent là tout leur intérêt, reflétant à merveille ce décor. Aux dernières cimes consumées succède l’heure bleue, ultime souffle des paysages avant la conquête de l’obscurité. Seul un fin croissant de Lune illumine le céleste, peu à peu rejoint par d’innombrables scintillements d’étoiles.

Sous la Voie lactée
Le coup de chaud temporaire sévissant en France se ressent également durant la nuit, relativement douce, sans humidité ni vent. Les photons emmagasinés toute la journée semblent rejaillir de mon corps, je peine à trouver le sommeil malgré les épaisseurs enlevées. Finalement, je ressors de la tente à 1h30 pour capter la Voie lactée. Cette dernière s’élance en arc de cercle de la Pointe de la Foglietta aux rochers de Pierre Pointe. Un peu plus tard, les mares jouent de nouveau leur rôle, avec les reflets estompés du dôme étoilé. La sérénité du moment n’est chahutée que par les avalanches qui se poursuivent sur la montagne en face, cette géante rendu mystérieuse et menaçante par la nuit.


Pris d’épuisement, et sous un insolent ciel clair, l’impasse est faite sur l’aube, préférant profiter des premières heures du jour sous mon abri, jusqu’en milieu de matinée. Entre temps, le ciel s’est orné de cirrus, n’altérant cependant pas la lourdeur de l’atmosphère.
Peu avant midi, la voiture est retrouvée, épilogue d’une belle sortie en terres tarines.
