Bivouac sous la crête des Gittes (2538 m) dans le massif du Beaufortain, 29 et 30 mai 2025.
Le choix de la destination
Ce dernier week-end de mai s’achève de la plus belle des manières, avec le long pont de l’Ascension. Une fois n’est pas coutume, une fenêtre de beau temps s’intercale durant ces quelques jours, l’occasion d’aller parcourir les montagnes de Savoie. La neige, encore bien présente en altitude, empêche de faire des boucles engagées par-delà les cols à plus de 2500 mètres. Il faut encore opter pour les parcours exposés sud, plus sécuritaires. C’est donc deux randonnées indépendantes que je planifie.
La première d’entre elles me conduit, une fois de plus, du côté du Beaufortain, sur un secteur que je convoite depuis quelque temps : la crête des Gittes. Celle-ci emprunte une variante du GR5 (tour du Beaufortain), se dirigeant vers le célèbre refuge du Bonhomme.
J’opte pour le parcours le plus direct, depuis le cormet de Roselend. La météo favorable conjuguée au jour férié a attiré les visiteurs. Voitures, motos et vélos se sont donnés rendez-vous sur le bitume de la RD925, afin de profiter des panoramas offerts par l’itinéraire.

Cap sur la crête des Gittes
D’ici, l’objectif du jour est visible, me surplombant au loin, coiffé de quelques névés résiduels. Il est 14 heures quand j’entame mes premières foulées sur la piste d’alpage. Celle-ci serpente dans le versant dans une pente modérée, préservant ainsi mes mollets.
Visiblement, la carte IGN n’est pas à jour, ou alors les travaux sont récents : le chemin, qui initialement se transformait en sentier à la cote 2130 m, a été prolongé sur 200 mètres de dénivelé supplémentaire, ce qui me fait rater la sente devant me conduire au col de la Sauce. Preuve du caractère nouveau de l’aménagement, l’instabilité occasionnée par les terrassements a provoqué un glissement de terrain, ensevelissant une partie de la piste en contrebas.
Pour la dernière centaine de mètres, pas d’autre choix que de tirer dré dans l’pentu pour atteindre la crête.
Dans une ambiance aérienne, la dernière ligne droite nécessite un minimum d’attention : bien que globalement dégagé, le sentier sommital est ponctué de névés récalcitrants, où toute glissade peut aller faire visiter le vallon de la Gittaz, des centaines de mètres en aval.
Peu après 16h30, le point culminant de la crête est atteint (2538 m), dévoilant un panorama grandiose : partie méridionale du massif du Mont Blanc, Alpes grées, Vanoise, Beaufortain, Aravis, Belledonne, Bauges, sans oublier le barrage de Roselend, discrètement blotti plus bas.
Pour autant, la sensation de beau temps est altérée par de nombreux nuages et le vent, engourdissant les doigts.


Le bivouac parfait
Dans l’absolu, il serait possible d’installer la tente ici, ce qui aurait pour fâcheuse conséquence d’obstruer le passage, tout en étant ouvert aux quatre vents. Pas question de redescendre au col de la Sauce, trop loin. J’ai bien l’intention de profiter de l’esthétique de la crête lors des dernières minutes du jour. Je repère, au sud-est, un improbable replat, d’où émergent de la neige des zones herbeuses, à une centaine de mètres en contrebas. L’endroit s’annonce idéal, il constituera de plus un abri du vent. J’y installe ma tente avec une vue quatre étoiles, puis remonte sur le sommet, observer le lent déclin du jour.
Festival au coucher de soleil
Le ciel est zébré d’innombrables nuages élevés, à travers desquels se faufilent quelques rayons illuminant les lieux. Néanmoins, les perspectives de lumières crépusculaires sont peu probables, tant l’azur est moucheté de nébulosité. Contre toute attente, lorsque l’étoile vient flirter avec l’horizon, une trouée lui permet de distiller ses rais sur les cimes alpines. Tout s’embrase soudainement, notamment le Mont Pourri, prenant des tons rose et pourpre. C’est ensuite au tour des nuages élevés de se parer de teintes chaudes, ultimes effervescences des paysages avant que la nuit ne vienne baisser le rideau. Un moment rare et inespéré !


Nuit sous les étoiles
Vers minuit, le réveil sonne, afin de profiter du ciel nocturne et d’immortaliser la Voie lactée. Celle-ci s’élance du Mont Blanc pour se jeter au-dessus du Mont Pourri. La pollution lumineuse éclairant des nuages résiduels ajoute au côté surréaliste de la scène. L’ambiance est à la fois céleste et sereine, le froid n’est pas mordant et le vent totalement absent.

A 5 heures, la sonnerie m’arrache de nouveau de mon sommeil. Il y a toujours ces voiles qui subsistent sur la frontière italienne, que les premières lueurs de l’aube viennent embraser. Le spectacle est aussi beau qu’éphémère. Rapidement, le soleil répand ses précieux rayons, dont je me délecte sous la tente qui se réchauffe peu à peu, traversée par un filet d’air des plus agréables. Le tableau est sublimé par les trilles d’une alouette des champs solitaire, fidèle compagnon des réveils en altitude. Je savoure ce moment de plénitude jusque vers 10h30 avant de remballer, poussé par la poursuite des aventures…

Vue à 360° depuis la crête des Gittes :